Bien souvent, au cours de notre vie, nous devons faire face à des situations difficiles. Pouvez-vous nous dire comment les connaissances acquises grâce à la pratique du yoga peuvent être utilisées dans des moments de vie difficiles ?
B.K.S. Iyengar : « 99% du monde se meut dans (et par) les émotions. Le yoga est un sujet qui apporte une stabilité émotionnelle. La stabilité émotionnelle est un sentiment ressenti par chaque individu. La tête est le siège calculateur, elle calcule juste, mais l’expérience est dans l’esprit. Le mental est l’enveloppe externe de la conscience. Donc, si l’enveloppe est ouverte, vous pouvez voir le contenu. Les contenus étant l’intelligence et l’ego. Et si l’intelligence et l’ego qui sont les parties les plus subtiles de l’esprit sont faits pour fonctionner harmonieusement, alors la vie est tout à fait différente. Alors, il y a un dynamisme, une vibration dans la vie.
Le yoga nous aide à surmonter le bouleversement des émotions. Il répond directement aux émotions. Dans le yoga, nous ne faisons pas de distinction entre la tête intellectuelle et l’intelligence du cœur. Ils ont tous les deux leur place. L’intelligence du cœur est liée à l’émotion, tandis que l’intellect est lié au calcul. Quand il y a épanouissement émotionnel, il n’y a pas de calcul. Mais lorsqu’il y a un besoin émotionnel, ou un sentiment d’insatisfaction, un vide du cœur, un comportement calculateur commence, l’égoïsme commence. Par conséquent, l’intelligence émotionnelle et l’intellect sont interconnectés, c’est pourquoi le yoga commence par « citta vrtti nirodhah ». Patanjali ne dit pas “contrôlez votre cerveau”, il dit “disciplinez votre esprit”. L’esprit s’attache aux objets du monde extérieur qui sont sensuels et impermanents. Et c’est ainsi qu’il commence à jouer un double rôle. D’une part, il cherche à satisfaire les organes des sens, les organes d’action et les organes de perception, et d’autre part, il recherche le Soi.
Patanjali n’a jamais dit que le yoga est une pratique physique. Il nous demande de regarder l’effet des asanas « cet esprit qui joue un double rôle devient unique ».
Le corps est universel, c’est-à-dire, quelle que soit votre culture et quel que soit votre pays, votre corps et mon corps sont les mêmes. Alors que l’individualité est liée à l’esprit. C’est cette individualité qui provoque des déséquilibres chimiques et une disharmonie dans le corps. Les asanas guident une personne pour ne pas déranger le corps. La biochimie est équilibrée dans le corps. Puisque l’esprit est calme, la bioénergie est calme. Les perturbations n’ont donc pas lieu à l’intérieur, au niveau organique. C’est l’esprit qui crée des obstacles puisqu’il apporte des changements chimiques dans le corps organique à travers sa création d’individualité. Les asanas guident de manière à ce que le corps organique reste silencieux. Tout comme l’eau se répand sur le sol, l’intelligence et la conscience se répandent dans tout le corps, et ainsi l’esprit reste calme. Et c’est alors qu’on peut dire qu’il y a une stabilité émotionnelle aussi bien qu’une stabilité intellectuelle et que les deux sont équilibrées. Il n’y a pas d’oscillation du cœur vers le cerveau et vice-versa. Ils travaillent tous les deux ensemble, de façon unie. C’est pourquoi Patanjali dit « tato dvandvanābhigātah », l’esprit double devient un esprit unique. Donc, ceux qui appellent la pratique du yoga comme physique, cela montre qu’ils n’ont aucune connaissance de la philosophie des yoga sutras.
Les problèmes arrivent dans la vie. Et il faut les affronter. C’est pourquoi les asanas et les pranayamas sont les parties externes du yoga, mais ils nous aident à faire face harmonieusement à ces difficultés, sans créer d’obstacles qui nous empêcheront d’entrer dans le corps interne.
Comment la méditation apparaît-elle, lorsqu’on est en Asana ?
B.K.S. Iyengar : « Il existe deux types de méditation : le calme bioénergétique et le calme psychologique induit, et ils sont assez différents. Si je dois utiliser le langage moderne, le calme psychologique par l’utilisation de mots ou d’expressions pour la méditation équivaut à l’utilisation de drogues. C’est comme écouter quelqu’un parler et ressentir le calme à travers les mots, mais en sortant on est retombé dans les mêmes schémas mentaux. Ainsi, tout comme le médicament, l’effet ne dure que quelques minutes ou quelques heures. Alors que dans le cas des asanas et du pranayama, les effets neurologiques et les effets bioénergétiques apportent le calme. L’énergie étant amenée à circuler uniformément dans le corps, naturellement l’esprit devient calme. Par conséquent, cela peut être appelé méditation biologique qui rend l’aspect psychologique en nous plus silencieux. La méditation part de l’esprit biologique et non de la fin psychologique. C’est pourquoi Patanjali dit, lorsque vous gardez le corps et l’esprit biologiques en bonne santé, alors vous êtes apte à la méditation. Que signifie être en forme ? Cela signifie que l’esprit est devenu brillant pour entreprendre le voyage inverse vers le Soi, de sorte qu’un jour vous pratiquez non pas à partir de l’esprit, non à partir de l’intelligence, mais à partir du Soi. C’est pourquoi Patanjali dit que vous devez d’abord apprendre à diffuser l’intelligence. C’est-à-dire que lorsque la conscience s’est complètement étendue sur le connu, alors automatiquement l’inconnu est également là. C’est la maturité dans la pratique des asanas.
Source : Interview de Guruji B.K.S. Iyengar, 2014, Pune, Maharashtra, Inde – © Chaîne YouTube Iyengar Yoga Serbie